Les résidences du hasard - François-Marie Banier
Depuis 1991, date de son exposition au Centre Georges Pompidou, aucune institution en France n’a montré les photographies de François-Marie Banier. A l’exception d’un remarquable accrochage de ses travaux récents à la galerie Ghislaine Hussenot en 1999, le public parisien n’a eu que peu d’occasion de se confronter à cette œuvre singulière. Pourtant classique dans ses origines, la photographie de François-Marie Banier, à mi-chemin entre Kertesz et Diane Arbus, affiche cependant avec insolence et désinvolture une forme de modernité, et entretient, entre lumière, écriture et peinture, un faisceau de relations subtiles. Non seulement François-Marie Banier invente, en mélangeant le grain argentique aux pleins et aux déliés d’une écriture harmonieuse et dansante, une sorte de photo-calligraphie, mais en bousculant les genres et les conventions, il introduit dans l’espace propre de la représentation un désordre convaincant. La photographie seule ne peut rendre compte du réel et surtout du temps qu’elle immobilise et, si elle nous « donne », selon Banier, « ce que nous demandons à la littérature », à l’inverse, seule la littérature peut lui donner la possibilité de sortir d’elle-même, d’être « cette intelligence » qui est à la fois « conspiration entre réalité et rêve, moment et esprit du moment ». Mais qu’on ne s’y méprenne point. Ce n’est pas en écrivain que François-Marie Banier aborde l’art de Niépce. C’est en artiste obsédé par la forme qui, dans une furieuse jubilation, s’efforce de faire jaillir de l’instant fossilisé quelques étincelles de vie. Dans ce combat avec le temps, il invente un langage. Ses photographies, dès lors, ne se lisent plus, elles se déchiffrent. Elles exigent, surtout dans les œuvres récentes, une participation active du regardeur. Mots, graffitis, « drippings » comme chez Pollock, couvrent et découvrent à l’envi une image toujours recommencée. François-Marie Banier est un funambule élégant et lucide qui, sur le fil du regard, redessine les figures du hasard.

Les résidences du hasard

par Jean-Luc Monterosso


Photo: Jean-Luc Monterosso par François-Marie Banier