Je ne venais pas au Brésil pour prendre des photographies mais pour en montrer : Silvana Mangano dans sa fourrure, Beckett sur la plage, Marcello Mastroianni dansant, ma collection de passants au regard bien de chez nous, jumelles, jumeaux à la démarche quelquefois aveugle, et ces grandes photographies où à deux mains je peins les émotions du jour.
Or – comme la conjonction va à ce pays d’un soleil si proche qu’on le touche du doigt comme on chatouillerait le menton d’un dieu bronzé – j’y ai rencontré la beauté à l’état pur.
Comme on découpe du carton avec des ciseaux qui ne sauraient pas très bien où ils vont, guidés seulement par les caprices et les ondulations de la matière, l’objectif s’est laissé emporter par la transe.
Bombes de tendresses ces enfants assis au seuil de maisons interdites.
Diamants les regards de ces femmes et de ces hommes qui vont et viennent sur leurs braises. Chants infinis ces corps qui dessinent en dansant leurs théâtres profonds.
Brésil, pays aux horizons en cascades, la terre surgit tout à coup au milieu de l’océan pour rappeler que la mort dirige aussi nos pas, seul fil visible qui guide nos existences.
Noirs, blancs, masques, qui est ombre ? Qui est lumière ? Au règne de la musique et de la danse, même les formes au Brésil ont la force d’aimer et de se faire aimer.
François-Marie Banier – Brésil
par François-Marie Banier
Ce texte a été écrit par François-Marie Banier à l’occasion de la sortie de son livre Brésil publié chez Gallimard en 2001.